mercredi 18 novembre 2009

Lettre de Paolo depuis la prison de Gand

Mes chers,

Le 25/10/2009, à 7h50 j’étais cerné dans la rue, alors que je sortais mon chien, par trois membres de la SRN, la Service Nationale de Recherche. Je devais les accompagner au commissariat pour un interrogatoire. Au coin de la rue, un escadron d’intervention spéciale attendait dans un combi blindé au cas où je résisterais. Ces enfoirés ne m’ont même pas laissé dire au revoir à ma fille qui allait à l’école à ce moment-là.
La veille, le même service de police avait perquisitionné mon domicile en mon absence. Ils ont confisqué mon ordinateur portable et ont pris toute une série de photos d’affiches politiques etc.
Au poste, ils m’ont demandé un alibi pour la nuit de 6 au 7 octobre et ils m’ont posé toute une série de questions à propos de numéros de portables et d’un ami. Après lui avoir montré des photos, un témoin m’aurait reconnu comme une des deux personnes qui auraient incendié un conteneur de chantier cette nuit-là. *
Après l’interrogatoire, ils m’ont arrêté judiciairement. A 14h, je passais devant un juge d’instruction qui a décidé de m’arrêter, accusé d’incendie volontaire pendant la nuit contre des biens mobiliers. J’ai été transféré à la prison où j’ai été mis en isolement jusqu’au jeudi soir. Ceci probablement pour éviter que je prenne contact avec Jürgen, qui avait été arrêté et placé en détention préventive deux semaines auparavant, avec la même accusation plus celle d’incendie de nuit contre des biens immobiliers. Plutôt rigolo que maintenant, ça fait une semaine qu’on est dans la même cellule.
Après cinq jours, je suis passé devant la Chambre de Conseil. Le procureur m’a dit que je suis aussi soupçonné d’autres faits. Le juge d’instruction est venu le jour même avec de nouvelles données sur un portable. Mon avocat avait pourtant dit que ceci n’était pas possible le jour de la comparution devant la Chambre. Donc je me suis fâché. (Pas une très bonne idée dans la Chambre de Conseil, haha). Ca, et le fait que je refuse de collaborer à l’enquête sont des choses qu’ils ne supportent pas : détention préventive prolongée d’un mois.

Maintenant, ça fait deux semaines que je suis dedans et je me suis « habitué » au régime carcéral, dans la mesure où c’est possible bien sûr. Tu te retrouves dans une situation où l’Etat a le contrôle complet sur ton existence physique et t’isole physiquement du reste de la société. Là où, « dehors », il y a une petite possibilité de te soustraire à l’autorité dominante de l’Etat et du capital, ici tu es confronté à une cristallisation des rapports sociaux.
Si tu vis dans l’Occident riche et si tu fais partie de la bonne section de la population, tu peux te faire l’illusion que tu es relativement libre. Tu peux consommer à volonté, te perdre dans toutes sortes de réalités virtuelles et, si tu as du fric, tu peux même aller voyager un peu et garder l’illusion que tu disposes d’une liberté (de mouvement).
« Dedans », l’illusion est écrasée par l’omniprésence de l’appareil répressif qui contrôle tous tes mouvements et les note convenablement dans de petits rapports. Et si tu ne respectes pas leurs petites règles, ils te donnent un mauvais rapport et/ou ils te jettent au cachot, te placent en régime strict et t’enlèvent certaines « libertés » comme téléphoner, la visite etc. Tout à fait comme dehors, où les privilèges qu’on a (ces libertés artificielles) sont vus comme de la vraie liberté, dedans tu t’habitues après un certain temps à quelques privilèges (comme la promenade, téléphoner, etc.) et tu ne conçois plus le fait d’être enfermé comme le problème, mais bien la sauvegarde de certains privilèges comme solution à tes problèmes. Finalement, aussi ici, tu peux, si tu as de l’argent, consommer à volonté et te sentir mieux à cause de ça. Te sentir comme si tu te trouves dans un hôtel bon marché avec la seule différence que tu ne peux pas aller te promener sur la plage pour regarder des singes, mais où tu dois rester tout ce temps de merde en cellule, sans grogner…

Ca va bien avec moi, et aussi avec Jürgen, en dehors du fait qu’on est donc traité comme des mouflets (on ne peut même pas avoir de briquet ou d’allumettes en cellule). Pour le reste, c’est souvent ta propre attitude qui détermine comment les autres prisonniers et les matons te traitent, bien sûr qu’il y a des enfoirés et des conasses partout. Le plus difficile, c’est de rester hors de la hiérarchie qui règne ici (la même qui, à l’extérieur, est seigneur et maître du sort des milliards). Et ceci dit, je ne veux pas seulement dire la hiérarchie entre l’Etat (matons, flics) et les prisonniers, mais aussi entre prisonniers eux-mêmes. Car cette hiérarchie est bien dessinée ici et tu ne dois pas penser, en petit anarchiste, à attaquer cette structure ou sinon, pour ainsi dire, ils te mettent une fourchette dans l’estomac.

Tant que les rapports de pouvoir dans toute la société ne sont pas bouleversés, ces structures ici resteront debout. La destruction des prisons, de toutes ses structures et de toutes ses formes, comme une partie d’un appareil répressif et totalitaire, ne peut prendre corps que dans une lutte totale qui vise à détruire le capitalisme et son outil, l’Etat. Amen.

Normalement, je devrais passer à nouveau fin novembre devant la Chambre de Conseil, mais ça a été avancé vers le 9 novembre, la date où Jürgen aussi doit comparaître devant la Chambre. Bien sûr nous voulons tous les deux sortir d’ici au plus vite possible, mais le fait que nous ne collaborons pas à l’enquête leur donne bien sûr une bonne occasion de nous emmerder et de garder le plus longtemps possible en détention préventive.

Jusque là, nous restons aux frais de l’Etat, généralement avec un sourire, mais avec de temps un temps une larme, mais toujours libres dans la pensée !

POUR UNE SOCIETE SANS CLASSES ET SANS PRISONS !

Paolo
prison de Gand

* Cette nuit là, un débat a eu lieu à Gand avec entre autres Filip Dewinter [leader du parti fasciste] et J.M. Dedecker [leader d’un parti de l’extrême-droite]. Le sujet était, comment il est possible autrement, le débat sur la voile. En temps de soi-disant crise économique (car les riches ne mangeront pas une tartine de moins), le capital (et ses mercenaires, les fascistes et partis de droite) tient toujours prêt le mouton noir pour déclencher une chasse à l’homme. Ainsi, il dévie l’attention des problèmes réels comme la division inégale et criminelle des richesses. Les partis sociaux-démocratiques de « gauche » ont participé volontiers à cette campagne calomnieuse pour maintenir et augmenter leur électorat. Ils n’ont pas d’autre stratégie contre (l’extrême) la droit de reprendre les points de vu et la propagande de haine contre les clandestins et les étrangers (sous le couvert d’une guerre contre le terrorisme et, susurrant, contre l’islam). Cette même nuit, le Palais de Justice à Gand a été attaqué et quelques étudiants de droite ont été rossés. Ici et là, des feux ont été allumés.

dimanche 15 novembre 2009

Deux compagnons en prison à Gand

Dans la nuit du 6 octobre, Jürgen n’est pas rentré chez lui. Il a été arrêté par la police, traîné devant le juge d’instruction et incarcéré à la prison de Gand (Nieuwe Wandeling). Plus tôt dans cette journée, la ville de Gand si tolérante accueillait une fois de plus une bande de fascistes. Apparemment ça ne plaît pas à tout le monde. A différents endroits dans la ville, des gens ont exprimé leur opposition en endommageant des symboles de cette société capitaliste.

Un peu plus tard, nous avons appris que Jürgen était accusé d’avoir participé à ces actions. Les jours suivants, nombre de gens ont été harcelés par les flics. Une semaine plus tard, la police perquisitionne le domicile de Paulo. Il est sommé de se présenter au commissariat deux jours plus tard, le 21 octobre, pour un interrogatoire. Ce jour-là, il est arrêté en rentrant chez lui. Il est lui aussi jeté dans les geôles de Gand.

Le 9 novembre, les deux compagnons sont passés devant la Chambre du Conseil qui a prolongé leur détention préventive. La Chambre a renvoyé l’affaire au tribunal correctionnel. Le procès aura lieu dans deux semaines, la date exacte doit encore être confirmée.

Nous ne nous reposerons pas avant de pouvoir de nouveau embrasser nos compagnons, comment et quand nous le voulons. Liberté pour Jürgen et Paulo ! Contre toute forme d’enfermement. Pour la destruction de la prison et de son monde.

Pour leur écrire, voici leurs adresses:

Gian-Paolo Melis
Nieuwe Wandeling 89
9000 Gand Belgique

Jürgen Goethals
Nieuwe Wandeling 89
9000 Gand Belgique

Du soutien financier peut être versé sur le compte 000-3244460-04 en mentionnant J+P.


Gand, la nuit du 6 au 7 octobre :

Des vitres qui volent en éclats, de la peinture qui dégouline. Les vitres du palais de justice détruites par des vandales. Des dizaines de milliers d’euros de dégâts, selon le parquet. Un des piliers de la démocratie attaqué lors d’une flambée de fureur ? Des flammes qui lèchent le plastique des poubelles partout dans le centre de Gand. Quelques distributeurs qui crachent de l’argent pour le confort du consommateur perpétuel ont aussi pris feu. Les pompiers et la police doivent se rendre en toute hâte partout au même moment. Du chaos et des sirènes hurlantes partout.

La télévision régionale dit que quelques étudiants de droite ont reçu une bonne dose de critique physique démoralisante (c’est entre autres le président du NSV [organisation flamande d’étudiants fascistes] qui a pris des coups). Sur la place Sint-Pieters, le KVHV [organisation flamande d’étudiants catho-fascistes] organise un débat sur l’islam en Europe. Un petit comité de « démocrates » de la droite dure avec la présence de Dewinter [leader flamboyant du parti fasciste Vlaams Belang], Dedecker [leader d’un parti de droite] & co et les islamistes de l’AEL [organisation identitaire arabe et musulmane] en face. Un peu plus loin à Gand, dans la Haute Ecole sur l’avenue Voskes, le NSV (ce club d’étudiants officieux du Vlaams Belang) fête le début de l’année universitaire. L’année passée, le NSV avait organisé un débat avec entre autres Filip Dewinter comme orateur invité. Le bâtiment universitaire où se déroulerait ce débat, avait alors été occupé avec succès par des antifascistes. Une attaque des fascistes sous le commandement de Führer Filip ait été repoussée. Cette entrave au supposé droit à la liberté d’expression pour les fascistes ne pouvait pas se répéter…

Alors cette année, un dispositif policier impressionnant avait été mobilisé pour faire en sorte que les combattants de la démocratie flamande puissent procéder sans encombrements. Vu qu’un rassemblement au moment et lieu fixés par eux échouerait sur un mur de bleu, cette année les réactions ont été différentes. Ainsi, la fête n’est pas passée inaperçue et Gand a tressailli par une éruption spontanée et versatile de chaos. La progression politique de l’extrême droite en Flandre n’est pas une coïncidence. Le fait que des organisations fascistes comme le NSV et bientôt le NSA [une bande de néo-nazis] à Gand (et en Flandre) ont le jeu libre et sont protégées avec énormément de zèle par les forces de l’ordre, a des causes plus profondes.

L’extrême droite met sur le tapis toutes sortes de « problèmes » qui n’ont pas de base objective. Partout dans le monde, les lignes de rupture entre une petite élite monstrueusement riche et les masses qui se battent au quotidien pour survivre, deviennent plus aigues. Partout, les protecteurs de cette élite disposent de plus en plus de moyens et sont de mieux en mieux équipés. Pensez seulement à la palette des couleurs des polices qui salissent nos rues (gris, mauves, noirs,… des uniformes avec chacun leur spécialité). Leur manière de s’y prendre va de l’approche « sociale » douce à la répression implacable.

Le discours de l’extrême droite (présenter l’islam comme une menace pour l’occident « éclairé » ; présenter les gens en fuite pour échapper à une existence misérable comme des parasites ; présenter ceux qui ne travaillent pas comme des profiteurs ;…) vise à détourner l’attention de la guerre quotidienne entre les riches et les pauvres. Cette histoire nous est présentée par les médias qui sont le porte-voix de l’élite dominante, qui ne cessent de nous distraire avec du « tittytainment » à la télé et sur internet, avec le culte de la santé etc. L’opinion publique flamande semble s’être approprié ce discours. Au café, le racisme n’est jamais loin non-plus. Les « autres » sont l’ennemi, pas les marionnettistes qui manipulent ce théâtre.

La suite :

Clairement la justice et le gouvernement n’aiment pas les expressions de résistance comme celles de cette nuit-là. Face à une opinion publique dominée par des acteurs de droite, des têtes doivent tomber. La nuit même, une personne a été arrêtée, accusée de différents incendies. Deux semaines plus tard, une autre personne a été arrêtée, plus ou moins sous les mêmes accusations.

[Traduit de Indymedia Oostvlaanderen]

dimanche 1 novembre 2009

Parution de La Cavale numéro 16


La Cavale numéro 16, octobre 2009, vient de paraître. Vous pouvez le trouver dans les endroits habituels (infokiosques, biblithèques, squats anarchistes ou anti-autoritaires).

Un exemplaire coûte 1,5 euro. Pour l'envoyer chez vous, veuillez-nous contacter à l'adresse uitbraak@gmail.com . Il y a alors encore 1,5 euro frais d'envoi à ajouter. Vous pouvez verser ce montant sur le compte de La Cavale ou l'envoyer dans une enveloppe à la boîte postale.

Des gens qui veulent nous aider avec la distrution du journal peuvent nous contacter à l'adresse uitbraak@gmail.com

Sinon, La Cavale est aussi téléchargéable ici.

dimanche 6 septembre 2009

Aux mutins

Le jeudi 28 août, une mutinerie a eu lieu dans la prison de Saint-Gilles. Pendant le préau, des prisonniers ont commencé à casser des murs, à dresser de petites barricades et à s’armer de pierres et de barres de fer. Ils ont aussi réussi à prendre les clefs d’un des gardiens. La police a été directement prévenue, s’est rendue sur place avec des flics de divers corps bruxellois. Ces flics ont envahi la prison et s’en sont pris aux prisonniers révoltés avec du gaz lacrymogène, des matraques et des chiens.

Le tract ci-dessus s’adresse aux mutinés et parle aussi des émeutes qui se sont produites la semaine dernière entre des « jeunes » et la police à Molenbeek et Anderlecht. Le tract a été distribué aux visiteurs ce mardi-ci. Quelques heures plus tard, le tract a été envoyé par-delà les murs des prisons de Saint-Gilles et de Forest, enroulé en forme de flèches, et à l’aide des tubes. Aujourd’hui [3 septembre 2009], ce même tract a été lancé une nouvelle fois encore au-delà des murs de la prison de Saint-Gilles. Une chronologie de quelques gestes de révolte de ces derniers temps accompagnait le tract.

AUX MUTINS...

Ce message est adressé à ceux qui ont profondément perturbé le cours normal des choses à la prison de Saint-Gilles vendredi passé en s’insurgeant contre les matons et la direction de ces geôles. Nous ne sommes pas un parti politique en nous ne voulons pas récolter des votes. Nous ne vous connaissons pas, nous ne savons pas ce que vous voulez et nous n’allons pas non plus prétendre de le savoir. Nous pouvons donc seulement parler d’actes et de ce que nous voulons.

Nous vous adressons ce message pour vous donner une idée de ce que nous ressentons en apprenant que des prisonniers s’attaquent à la prison, ses infrastructures et ses serviteurs. Nous nous sentons liés avec ces actes parce que nous sommes contre la prison et contre la société qui en garantit la continuité. Car la prison n’est pas là sans raison. La prison est un produit d'une réalité quotidienne de l’oppression. Cette oppression est entre autre causée et maintenue par l’État qui représente le contrôle organisé. L’État sera toujours un obstacle qui nous empêche d’être libres. Mais, comme tout le monde, nous ne sommes pas extérieur à cette oppression. Elle est confirmée et renforcée par les rapports des gens entre eux et certains choix qu’ils font. Celui qui fait le choix de devenir flic ou maton, tout comme le patron ou le contre-maître au boulot, l’homme qui frappe sa partenaire, la mère qui traite sa marmaille comme des prisonniers ou encore l'assistant social qui voudrait nous faire accepter ce monde de merde, cautionnent l’oppression en choisissant ce rôle. Les choix de ces rôles sont les fondements de l’oppression et de l’enfermement. Tant que nous arrivons pas à attaquer ces choix, tant que nous n’en ferons pas d’autres, les prisons ne seront jamais définitivement rasées.

Dans les moments où les négociations cessent, où les rôles sont attaqués et les personnes derrière ces rôles sont confrontés avec les conséquences de leurs choix, nous poussons des cris de joie et nous sommes renforcés dans notre désir ardent de quelque chose de complètement différent.

Le même jour où vous avez tout chamboulé dans la prison, des affrontements entre “jeunes” et policiers ont eu lieu à Molenbeek. Auparavant, la police d’Anderlecht avait été ciblée à plusieurs reprises. Peu de choses ont été dites à propos de l'origine du désordre. Mais ce qui est clair, c'est que certains affrontements ont eu lieu après que la police ait tenté de faire des contrôles d’identités, et que d'autres affrontements étaient clairement prémédités et préparés. Plusieurs guet-apens ont eu lieu: d’abord appeler les flics pour ensuite les attendre avec de l’huile sur la route, des pierres et des cocktails molotov.

On pourrait se demander quels sont les liens entre tous ces événements. Il ne nous intéresse pas de faire de grandes théories sur qui sont ces émeutiers ou ce qu’ils désirent, nous ne sommes ni politiciens, ni assistants sociaux, ni sociologues. Nous aussi, nous avons la rage et nous voulons la diriger pleinement contre ceux qui font perdurer la misère de ce monde. Et c’est pour cette raison que nous sommes du côté des rebelles quand ils déchaînent leur rage contre des défenseurs de l’ordre et leurs infrastructures.

Ces moments n’existent pas seulement quand des personnes décident d’attaquer ensemble. Ils existent tout aussi bien dans le refus d’un contrôle d’identité, dans le simple ‘non’ qu’on répond à un maton, dans le petit sabotage au boulot. Dans chaque refus du jeu de rôles.

Mettons à profit tous ces moment pour y puiser de la force et continuer. Que cela nous aide à créer un peu d’espace pour respirer, pour pouvoir continuer à poser les bonnes questions… et faire des choix!

VIVE LA RÉVOLTE, INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE,

QUAND NOUS RECONQUÉRONS NOTRE DIGNITÉ,

ET QUAND TOUT EXPLOSE !

dimanche 9 août 2009

Abattons les murs de la prison sociale!

Quelques remarques à propos de l'évasion de Bruges

Dans la cacophonie des opinions, tout sonne faux. Le seul son sincère ces derniers jours fût sans doute les acclamations de prisonniers quand l’hélicoptère a décollé du préau de la prison de Bruges. Aucun politicien, flic, journaliste, criminologue ou psychiatre ne réussira jamais à faire taire les cris de joie lors d’une reconquête audacieuse de liberté.

Depuis plusieurs années, la révolte et l’insubordination couvent dans les prisons belges. Ashraf Sekkaki, qui venait d’être transféré du nouveau module d’isolement à Bruges à la section « normale », est l’un de ces prisonniers qui se sont aventurés sur le chemin de la rébellion. Il n’a jamais voulu se résigner face à son enfermement, n’a jamais voulu faire la paix avec ceux qui l’enferment. L’évasion réussie la semaine dernière prouve une fois de plus que quatre murs et des uniformes ne suffisent pas à briser le désir de liberté.

Une réaction de panique a suivit chez des inspecteurs de police de Malines, chez le directeur général des prisons belges, Hans Meurisse, et chez les juges qui n’ont aucune envie se voir présenter l’addition. Depuis des années, ils tentent d’échapper grâce au jeu de rôles démocratique à leurs responsabilités dans l’humiliation, la dégradation et l’enfermement d’êtres humains. Mais il y en a encore des gens qui osent agir selon leurs convictions, qui ne veulent pas se retrouver désarmé face à l’autorité et qui ne se soucient guère des règles du jeu démocratique et de ces codes pénaux…

Ashraf ne regrette pas les braquages dont il est accusé. Voici la grande honte qu’ils ont voulu cacher en l’internant et en le livrant à l’arbitraire le plus absolu. Mais qu’aurait-il à regretter ? Qu’il est allé chercher l’argent là où il se trouve en abondance ? Qu’il est fier de n’avoir jamais accepté le salariat ou de devenir lui-même exploiteur ou capitaliste ? Il n’y a aucun sens à glorifier des braquages et des expropriations ou à dépeindre les braqueurs pour ce qu’ils sont ou ne sont pas. Mais ceci n’enlève rien au fait qui nous pouvons parfois reconnaître une partie de nos désirs d’un monde sans exploitation dans les parcours de ceux qui choisissent ici et maintenant d’exproprier les riches, leurs banques et leurs magasins.

Ces derniers jours, nous avons été inondés par les opinions des chacals de la démocratie. Non seulement les politiciens se sont lâchés avec une série interminable d’insultes à l’adresse des évadés. Les journalistes ont joué leur rôle crucial en creusant un fossé entre les évadés et ceux qui pourraient peut-être se reconnaître dans cette conquête de liberté. Ils ont dépeint les évadés comme des barbares et des psychopathes ivres de sang ; ainsi ils ont contribué à évacuer d’autres questions qui auraient pu être mises sur la table (la question de l’enfermement, de la prison, de l’internement, de la justice, de l’exploitation, de la pauvreté…). En tant que mercenaires de la Justice, leur lynchage médiatique prépare celui de la répression. Une armée de charognards leur ont rejoints: des criminologues qui font des discours exigeant plus de modules d’isolement ; des psychiatres judiciaires qui disent tout et n’importe quoi pour nier aux évadés toute individualité et volonté ; des spécialistes en problèmes relationels qui réduisent la complice féminine à « une petite amie de gangster qui s’est laissé tromper » ; des porte-paroles des syndicats de matons qui prennent le premier pas dans l’élaboration de la répression ; des architectes et des entrepreneurs qui trépignent de pouvoir faire du fric avec plus de barreaux, plus de filets, plus de murs.

L’Etat est en train de préparer sa réponse à l’agitation à l’intérieur des murs. Après la construction de deux nouveaux modules d’isolement à Lantin et à Bruges – de véritables prisons dans la prison -, la construction d’un nouveau centre fermé (destiné avant tout aux clandestins réfractaires) a débuté à Steenokkerzeel, un accord a été conclu avec les Pays-Bas pour la « location » d’une prison à Tilburg pour enfermer 500 prisonniers de Belgique et les plans pour la construction de quatre nouvelles prisons se finalisent. En outre, les matons semblent avoir été remis au pas par leurs patrons et les conflits corporatistes résolus en lâchant du fric, des mesures de sécurité et en leur laissant les mains un peu plus libres.

Disons les choses clairement. La prison n’est pas « un monde à part » ; elle est simplement le produit de la société dans laquelle nous vivons. Cette société est elle-même une prison où tout le monde se retrouve d’une manière ou d’une autre enfermé dans l’engrenage de l’autorité, de l’exploitation et de l’oppression. Malheureusement il semble que de plus en plus de gens non seulement n’essayent plus de s’évader de cette société-prison, mais ne le désirent même plus. Alors faisons sentir en mots et en actes qu’aujourd’hui il y a encore des individus dont l’estomac ne peut supporter l’exploitation et l’humiliation ; dont le cœur continue à désirer la liberté ; dont le cerveau en a marre des idioties et des opinions de masse préfabriquées ; dont les mains deviennent des poings serrés face aux défenseurs de l’ordre établi.

Abattons les murs de la prison sociale !

Notre désir de liberté ne peut laisser debout aucun Etat, aucune institution, aucun patron, aucune frontière… !


Quelques individus en révolte contre la prison sociale
Belgique, 26 juillet 2008

lundi 22 juin 2009

Forest: La prison est une torture

Des prisonniers ont fait passer l'info, à travers les visites, que le jeune de 23 ans qui est mort il y a quelques jours, est décédé suite à des injections de calmants données par des gardiens. Ceci nous rappelle le meurtre de Fayçal il y a moins de trois ans. Lui avait été assassiné par des matons avec des injections d'Haldol lorsqu'il se trouvait dans un cachot.

A la limite, peu importe ce que a été "la cause" de son mort, car en prison, chaque mort est toujours un assassinat. Que ce soit le suicide, provoqué par le fait d'enfermer quelqu'un et de lui faire subir un regime d'autorité absolu; que ce soit la drogue, consommée comme ersatz pour une évasion, souvent trafiquée à l'aide des gardiens; que ce soit le tabassage, outil omnipresent dans chaque taule qui fait partie du carcéral et n'en est pas une abjection, que ce soit le meurtre pur et dur, comme injecter des calmants, torturer quelqu'un jusqu'à la mort,.. la prison est une machine à broyer des êtres humains.

Voici le tract, que vous pouvez bien sûr imprimer et diffuser vos mêmes dans vos environs ou endroits préférés:


LA PRISON EST UNE TORTURE

La prison, à Forest comme ailleurs, c’est l’humiliation, le tabassage, le cachot, l’isolement, la nourriture insuffisante, la cellule insalubre, l’abus. La prison, c’est donc la torture tout comme la privation de liberté, la peine, l’enfermement lui-même est une torture.

La torture, c’est enfermer quelqu’un dans une cage, lui faire subir un régime d’autorité absolu sur son esprit et son corps, le tabasser quand il revendique sa dignité.

La torture, c’est priver quelqu’un de nourriture, de l’heure de promenade, de coups de téléphone, comme ça se fait à la prison de Forest. C’est jeter quelqu’un dans un cachot sans lumière, sale, pourri, comme ça se fait à Forest et ailleurs.

La torture, c’est la peine octroyée par la Justice et son cirque de juges, de procureurs et d’avocats. Une peine qu’ils imposent au nom d’une Loi qu’on n’a jamais choisi et qui ne défend que les intérêts des puissants tandis que ce sont eux qui bombardent des milliers de gens, qui nous condamnent à la pauvreté, qui nous enlèvent toute perspective de vie.

La torture, c’est aussi la pauvreté imposée à la majorité des gens sur cette planète, c’est la contrainte de réduire sa vie à une recherche perpétuelle et sans issue d’argent, c’est l’anéantissement de l’individu par des structures
autoritaires comme l’Etat, l’usine, la propriété, l’école, la religion, la famille.

La torture, c’est ce qui fait survivre cette société.

CONTRE LA TORTURE
DESTRUCTION DE LA PRISON

*
A FOREST

Début juin, des gardiens de Forest ont voulu raccourcir le temps de préau qui est déjà limité à une heure par jour. Les prisonniers se sont opposés à cette nouvelle coercition. Les gardiens ont ensuite puni certains prisonniers en les privant de la possibilité de téléphoner. Un prisonnier se trouve actuellement en grève de la faim contre les conditions infâmes et les punitions par des matons qui se prennent pour des justiciers.

Le 7 juin 2009, un homme de 23 ans a été retrouvé mort dans sa cellule. Les causes de sa mort ne sont pas encore connus. Nous ne voulons rien savoir de leurs enquêtes à la con: CHAQUE MORT EN PRISON EST UN ASSASSINAT.

*

LE CIRQUE ROMAIN, les punitions en public, les coups de fouet, la guillotine, le gibet… la prison. On pourrait dire que le pouvoir a toujours exercé toutes les abjections nées avec lui à l’encontre des victimes qu’il se choisit, tandis que les « autres », qui n’ont pas encore été « élues », applaudissent, rigolent et encouragent le bourreau, comme dans une parodie de mauvais goût. L’histoire de la souffrance humaine n’est pas seulement écrite par des tyrans et des despotes, par des gouvernements et des églises qui ont imposé toutes les formes de souffrance aux plus faibles : l’histoire est écrite par des hommes et des femmes, par des pauvres qui collaboraient et collaborent avec les bourreaux.
La collaboration que trop d’opprimés entretiennentavec le pouvoir ne consiste pas seulement à applaudir le patron, à chanter ses louanges, à mépriser avec lui « l’ennemi inventé ». La collaboration consiste aussi à regarder ailleurs, à penser « heureusement, je ne suis pas concerné », à faire preuve d’une docilité effrayante… La collaboration, c’est isoler le prisonnier dont c’est le tour d’être puni, à le regarder sans rien faire alors qu’il lutte. La collaboration, c’est fermer sa gueule et se menotter soi-même.

Mi-juin 2009

lundi 11 mai 2009

La Cavale numéro 15 bis est sortie (mai 2009)


La Cavale numéro 15 bis est sortie. Trouvable aux endroits habituels, commandable à travers un mail ou un courrier à la boîte postale, téléchargeable ci-dessus.

Télécharger La Cavale numéro 15bis: http://www.typemachine.be/local--files/andere-teksten/lacavalenr15bismai2009.pdf

EDITO

AU MOMENT OÙ LES GARDIENS DE NAMUR venaient de mettre un terme à leur grève contre l’arrivée de Farid Bamouhammad dans leur prison, le nouveau quartier de haute sécurité de la prison de Bruges est détruit lors d’une mutinerie. Le lendemain, des prisonniers se mutinent également dans une autre section de cette prison. Peu après, une quatrième évasion avec prise d’otage d’un maton est couronnée de succès et les prisonniers de Forest montrent leur mécontentement face à la énième grève de matons. Entretemps, les critiques complaisants du carcéral ne trouvent mieux à faire qu’organiser une conférence avec des spécialistes en matière d’enfermement à l’Université Libre de Bruxelles. Ils arrivent à la conclusion qu’en effet, les conditions dans les prisons et les institutions fermées belges sont bel est bien lamentables. Avec leurs dossiers et leurs mallettes à la main, ils ont trouvé une nouvelle excuse pour se mettre à table avec leurs amis les politiciens. Fin avril alors, à Schaerbeek, la police tue par balle un homme de 40 ans. Selon les dernières informations, cet homme, en route vers son boulot d’ouvrier communal, aurait été témoin d’un abus sexuel et cherchait l’agresseur. Une patrouille de flics qui passait par là a jugé plus important de vérifier avant tout l’identité de cet homme. Ce contrôle a dégénéré, l’homme a blessé un des flics au bras et l’autre flic lui a tiré plusieurs balles dans la poitrine.


Le lendemain, les écoliers et les passants marchent déjà sur l’endroit où la police scientifique avait tracé une silhouette. Ici et là on voit un regard timoré, mais pour le reste tout suit son cours normal. Les jours suivants aussi, ça reste étonnamment tranquille dans le quartier et ailleurs. Même si une certaine tension est palpable, ce n’est qu’un peu de feu et de pierres qui semblent exprimer la rage pour le énième meurtre de l’Etat. Les exploités d’aujourd’hui, sont-ils si habitués à la violence quotidienne du travail abrutissant, du manque de perspectives, du racisme, de la culture machiste, du contrôle omniprésent,… qu’ils ne peuvent que s’y résigner ? La grande majorité silencieuse suit le chemin qui lui est propre : marcher par-dessus les silhouettes tracées des assassinés. Si quelque part, ils se rendent bien compte que quelque chose ne va pas, ils détournent le regard pour s’enfoncer dans la soumission à la routine quotidienne. Ainsi, des milliers d’être humains meurent « inaperçu », de misère, de la violence de l’exploitation, aux frontières, dans les prisons et les centres fermés, sous les balles des soldats et des flics.

Depuis longtemps déjà, il est clair qu’outre la coercition et la matraque, le pouvoir se maintient aussi grâce à la complaisance et la résignation de ses ‘sujets’. Il y a des personnes avec beaucoup moins de possibilités de mouvement (comme les prisonniers qui se sont révoltés ces dernières années) qui apparemment, peut-être grâce au courage du désespoir, sont capables d’identifier et d’attaquer ce qui les anéantit. Mais là encore, ça n’a jamais été la majorité des prisonniers mais seulement une minorité avec le coeur bien placé et qui sait vers quoi et vers qui diriger sa rage. Alors, comptons surtout sur nos propres forces et ouvrons de l’espace pour forger de liens de complicité réels – dans les quartiers comme au-delà des murs.

Nageant sur les vagues de la rébellion, armés avec la rage contre l’horreur et la misère dans ce monde, déterminés dans la volonté de continuer à chercher les possibilités de révolte, nous avons pensé opportun de sortir ce numéro intermédiaire comme modeste contribution. Rien n’est fini, tout continue.

[Extrait de La Cavale, numéro 15 bis, mai 2009]

Le 'coup de maître' de Stefaan de Clerck

Le ministre de Justice Stefaan de Clerck, modeste comme tous les politiciens, a parlé d’un « coup de maître contre la surpopulation dans les prisons belges ». L’Etat belge voudrait louer des cellules aux Pays-Bas et y parquer entre trois et cinq cent prisonniers condamnées ici. Il s’agirait d’une mesure temporaire vu que l’Etat se targue de pouvoir ouvrir vers 2012 plusieurs nouvelles prisons. Une fois de plus, il devient clair que l’Etat traite ses prisonniers (tout comme ses autres « sujets ») comme des pions déplaçables à son gré.

Dans les têtes des puissants, chaque individu est en effet surtout le rôle social que lui est imposé. Ainsi nous sommes considérés comme « force de travail », « machines à reproduire », « prisonniers », « clandestins »… Les sciences sociales comme la sociologie et la criminologie fournissent au pouvoir les moyens rationnels et analytiques pour construire et saisir ces catégories. L’enfermement des individus dans des catégories leur donne une emprise sur notre existence, permet à leur logique de pénétrer dans nos vies et de tracer le chemin qu’il nous faut suivre. Il ne serait alors guère surprenant que les individus appartenant à ces catégories soient traitées comme des matières premières, comme des briques déplaçables à merci dans les citadelles du pouvoir. Certaines catégories sont à déporter, d’autres sont à incorporer dans les régiments du travail, toujours prêts à se déplacer sous la commande du capital, d’autres encore sont à écarter dans de longues listes d’attente pour une existence meilleure qui ne vient jamais.

Les prisonniers ne font pas exception à cette logique. Comme s’ils étaient juste une matière première, il faut les délocaliser vu que la capacité de la machine à enfermer ici ne suffit plus. L’Etat hollandais parade avec ses prisons perfectionnées et vient à la rescousse de la Belgique. C’est aussi simple que ça. Evidemment, il y a un prix à payer et pas seulement le loyer des cellules. Les accords de déportation, le fait que des pays acceptent de « reprendre » les demandeurs d’asile déboutés, sont une carte de plus à jouer. Pour le Maroc, ils allaient de pair avec des accords bilatéraux sur l’exportation des tomates. Le Nepal a accepté en échange d’une licence d’importation d’armes fabriquées ici par FN-Herstal. Les prisonniers seront donc utilisés comme monnaie d’échange pour faire du business. En outre, il n’y a pas de doute que la déportation vers les Pays-Bas sera utilisée comme une espèce de mesure disciplinaire, en plus du quartier de sécurité ou du transfert, pour isoler des prisonniers qui gênent le bon fonctionnement.

La Belgique a d’ailleurs déjà conclu des accords avec des pays comme la Pologne pour qu’ils reprennent « leurs » prisonniers et que ceux-ci purgent des peines infligés par des tribunaux belges dans « leur » pays. Des négociations sont encore en cours avec d’autres pays comme, de nouveau, le Maroc. Toutes ces mesures pour rabaisser la pression dans les prisons ici.

Au-delà de l’écœurante politique de gestion des populations qui réduit des individus à des catégories et des pions sur le jeu d’échecs du pouvoir, la déportation des prisonniers vers les Pays-Bas entraînera toute une série de problèmes pratiques. Les prisonniers ne pourront peut-être pas parler avec leurs codétenus parce qu’ils ne maîtrisent pas la langue, leur accès à des médecins et des assistants sera plus difficile à cause des problèmes de communication, les visiteurs auront des kilomètres en plus à faire, l’assistance des avocats se limitera car ceux-ci ne seront souvent pas prêts à voyager jusqu’aux Pays-Bas ou ne seront simplement pas habilités (et en outre, ils ne connaissent ni les spécificités du code pénal hollandais ni les coutumes du régime pénitentiaire). Il est alors clair que la déportation des prisonniers vers les Pays-Bas n’est qu’un des énièmes tentatives pour isoler et mettre à l’écart.

Le « coup de maître » de Stefaan de Clerck est simplement une autre mesure pour mater le mécontentement et les révoltes dans les prisons. Des arguments tels que la « surpopulation » ou les « mauvaises conditions » ne sont que des prétextes pour masquer de quoi il s’agit réellement : faire tourner une machine aussi efficace que possible pour enfermer des personnes et pour briser leur volonté. Que l’Etat néerlandaise s’y morde ses doigts et que, qui sait, le virus de la révolte se laisse déporter lui aussi au-delà des frontières.

[Extrait de La Cavale, numéro 15 bis, mai 2009]

vendredi 1 mai 2009

Occupation de la faculté de Criminologie à Gand


Gand – mercredi 29 avril 2009. La faculté de criminologie de l’université de Gand est occupée en solidarité avec les mutineries dans les prisons et les centres fermés, et plus spécifiquement avec la destruction de la section de haute sécurité de la prison de Bruges. Nous avons choisi d’occuper la faculté de criminologie parce que cette science est étroitement liée à la prison, à la justice et à la police. En effet, ceux qui condamnent jour après jour des dizaines de personnes à plusieurs années de prison ou à se faire déporter ont souvent commencé leur ignoble carrière dans cette faculté.


Solidarité avec les rébellions dans les prisons et les centres fermés. Contre toutes les prisons.


OCCUPATION DE CRIMINOLOGIE A GAND


Sans cesse, des directeurs de prison progressistes, des sociologues, des chercheurs, des intellectuels illuminés et des journalistes critiques nous présentent leur opinion sur le monde carcéral. De temps en temps, ils énoncent même des opinions critiques à propos de ses aspects les plus brutaux comme la surpopulation qui fait que les prisonniers se retrouvent souvent à quatre dans des cellules prévues pour deux personnes ; comme l’absence d’activités et de visite qui fait que plein de détenus restent en cellule 22h par jour; comme la brutalité et les vexations de la part des gardiens qui utilisent actuellement même des tazer (des électrochocs) pour calmer les détenus révoltés. Mais ces critiques ne remettent aucunement la prison en question pour ce qu’elle est et ce qu’elle signifie. Elles renforcent même le mécanisme démocratique derrière l’enfermement des milliers de personnes. Ce ne sont certainement pas les politiciens ou les faux critiques de ce monde qui vont avancer une vraie critique du carcéral, de sa justice et donc de sa société. Comment serait-ce possible, alors que la prison n’est rien d’autre qu’un instrument créé pour défendre l’ordre existant tant au niveau social, économique que morale ? Dans ce sens, une critique de la prison ne peut pas être séparée d’une critique de l’ordre existant qui divise le monde en oppresseurs et opprimés, en exploiteurs et exploités, en maîtres et esclaves et qui a, entre autre, besoin de prisons pour se maintenir tel quel.


Depuis plus de trois ans, une tempête de révolte secoue les prisons et les centres fermés belges. Beaucoup de prisonniers se sont mutinés, ont détruit l’infrastructure carcérale tellement haïe, se sont évadés, ont cramé des cellules, ont attaqué des gardiens – ces mercenaires de l’Etat – ou les ont pris en otage pour s’évader. La révolte se diffusait d’une prison à une autre ; l’utilisation fructueuse d’une méthode particulière entrainait sa multiplication, comme les actuelles prises d’otage de matons pour s’évader. A tout le moins, on peut dire que c’est dans la rupture avec le cours normal des choses, la révolte, que s’ouvre au moins l’espace pour poser de vraies questions qui ne soient pas récupérables par le spectacle démocratique de la politique et de ses spécialistes. Même si on ne connaît pas tous ces prisonniers révoltés, nous reconnaissons dans leurs actes une propension à la liberté et une rage qui sont aussi les nôtres. Une rage contre l’incommensurable infamie de ce monde avec ses barreaux, ses barbelés, ses cellules, ses gardiens, ses juges, ses déportations… une propension vers la liberté qui ne supporte plus d’être commandé, d’accepter, de se résigner, de se faire exploiter, de baisser les yeux quand un compagnon est mis au cachot pour la énième fois …


La prison n’est en effet rien d’autre que le reflet de la société dans laquelle on vit. La prison et la privation de liberté ne sont pas des exceptions à la démocratie, pas une suspension temporelle de la vie de quelqu’un, mais une des conséquences d’une logique qui régit toute cette société. Les enfants sont principalement enfermés dans des écoles pour apprendre à obéir ; les adultes sont enfermés la moitié de leur journée sur leurs lieux de travail pour gagner le fric nécessaire à leur survie tandis qu’ils augmentent la richesse des patrons ; d’autres avalent chaque jour des antidépresseurs parce que sans ça ils ne pourraient pas supporter l’absence de perspective et l’ennui que cette société nous offre ; d’autres encore sont chassés et traqués par les négriers modernes de l’ONEM, d’Actiris et du FOREM. Et que dire d’une société qui enferme et largue ses vieux dans des foyers verrouillés ; qui étiquette d’ « hyperkinétiques » ses enfants éveillés et leur fait avaler les pilules correspondantes ; qui accueille ses nouveaux arrivants à coup racisme, de rafles et de déportations ; qui intoxique chacun d’entre nous – sans discrimination, ce monde est tellement démocratique – avec les émissions de ses usines, avec ses déchets nucléaires, sa destruction de l’environnement ; qui réduit les animaux à de la matière première produite et abattue à une échelle industrielle ? En fait, il n’y a pas de rupture fondamentale entre le dedans et le dehors, entre cette société et ses prisons : il y a surtout toute une continuité qui fait que la solidarité avec les mutineries dans les prisons signifie surtout de se battre ici et maintenant contre tout ce qui nous rend prisonniers de ce système. Pas seulement contre les juges qui distribuent au quotidien des dizaines d’années de prison, mais aussi contre les patrons qui nous pressent et se font du fric sur notre dos ; pas seulement contre les matons qui tournent jour après jour la clé des cellules, mais contre patriarche qui dirige femme et enfants d’une main de fer ; pas seulement contre les entreprises qui gagnent de l’argent en construisant ou en participant à la gestion des prisons, mais aussi contre tous ceux qui ont acquis des privilèges et qui font que ce monde est et reste divisé en pauvres et riches.


Nous avons choisi d’occuper aujourd’hui la faculté de Droit et plus spécifiquement l’unité d’enseignement et de recherche de Criminologie de l’Université de Gand en solidarité avec les révoltes dans les prisons belges et ailleurs dans le monde. Ce choix n’est pas arbitraire. Trop souvent, l’université et sa série de spécialistes essayent de se vendre comme l’arbitre neutre et sage qui se trouve au-dessus des remous de la société. Pourtant, l’université est une institution qui étudie le terrain, donne des avis, forme des spécialistes pour mieux servir le pouvoir sous toutes ses formes. Il en va de même pour les criminologues en formation qui après travailleront souvent pour la Justice, la police, la prison. La criminologie est la science qui passe « les criminels » au crible, qui analyse leurs comportements et leurs origines, qui fournit donc de l’information aux détenteurs de pouvoir pour comprendre et donc gérer « ces délinquants » en tant que catégorie analysée et donc contrôlable. Tout cela pendant que les maîtres du monde font bombarder, affament, exploitent, déportent, enferment des millions de personnes pour maintenir leur pouvoir et leurs profits. Les criminologues, comme leurs autres collègues spécialistes, ne peuvent pas se cacher derrière les excuses comme « nous sommes neutres », « nous ne faisons que des recherches objectives »… Car ce monde d’oppression n’a pas seulement besoin d’uniformes et de matraques pour se protéger, ni même uniquement de la résignation de ses sujets, mais aussi des lumières en pardessus blancs et de vestons progressistes poussiéreux une pipe aux lèvres pour seconder la planification rationnelle de tout ce qu’il y a d’infâme et d’écœurant dans ce monde.


Enfin, n’oublions pas que la seule réponse – et nous ne nous attendions pas à autre chose – de l’Etat aux cris de rage issus de derrière les murs est la construction de plus de prisons (dont une nouvelle prison psychiatrique à Gand), l’embauche de plus de matons et de gardiens de toutes sortes, l’extension du contrôle social à travers rafles, caméras, bases de données intégrés, bureaucrates. Faisons en sorte que leur machine ne tourne pas rond.


Avec cette occupation, nous voulons aussi envoyer un salut épris de liberté aux prisonniers qui, début avril, ont dévasté le quartier d’isolement de la prison de Bruges. Ce nouveau quartier d’isolement était une des réponses de l’Etat aux années de révoltes. Le voilà, lui aussi, réduit en ruines par le courage et l’audace de certains prisonniers. Ceci est de nouveau un pas en avant dans la lutte permanente contre la prison et son monde dont toutes les conséquences sont encore à venir…

Des salutations fraternelles aussi à tous les prisonniers qui se sont battus contre ce qui les détruit ces dernières années, vous savez déjà que ceci est aussi pour vous.


Force et courage à tous ceux et toutes celles qui se battent pour la liberté, dedans comme dehors !

En lutte contre la prison et le monde qui la produit et en a besoin !

lundi 6 avril 2009

Affiche à propos de la destruction du quartier d'isolement à Bruges


La prison n’est rien d’autre que le reflet de la société dans laquelle on vit. La société elle-même est une vaste prison où la plupart des gens sont enfermés dans la nécessité de trouver de l’argent, dans l’absence de perspectives de vie, dans des rôles de servitude et de soumission que les valeurs dominantes leur ont donnés. Tout comme dans la rue, il y a dans les prisons, les asiles psychiatriques et les centres fermés, des personnes qui ne se résignent pas et qui ne perdent pas un certain goût pour la liberté et pour une vie meilleure simplement parce qu’un juge l’a ordonné. Des personnes qui, quotidiennement, refusent l’humiliation d’obéir aux matons et aux chefs. Des personnes dans les cerveaux desquelles les murs et les barbelés de la prison ne sont pas encore imprimés et qui, bien au contraire, les considèrent plutôt comme des obstacles à franchir. Car la punition que la société, à travers ses juges et sa justice, leur a offerte, n’est que la conséquence d’un monde basé sur l’exploitation et l’oppression.


Alors, depuis trois ans déjà, une petite tempête de révolte a laissé des traces dans des dizaines de prisons et de centres fermés en Belgique. En se mutinant, en boutant le feu à l’infrastructure carcérale, en attaquant les gardiens, en s’évadant, certains prisonniers ont retrouvé ce que le système a voulu leur enlever définitivement : le courage, un désir de liberté et une audace qui rêve de balayer toute la merde que cette société produit.


Comme réponse, l’Etat a entre autre ouvert deux modules d’isolement à Lantin et à Bruges, de véritables prisons dans les prisons, pour mieux isoler et briser les « réfractaires ». Mais même dans ces cages, certains n’ont pas perdu le goût du combat. Le 2 avril 2009, des prisonniers à Bruges ont inondé les cellules de ce module et l’ont détruit presque entièrement. A l’heure où le gouvernement a annoncé ses plans de construction de sept nouvelles prisons, ils se retrouvent contraints de fermer le module d’isolement de Bruges. La machine carcérale n’est donc pas si bien rodée qu’elle parait.


FORCE ET COURAGE POUR TOUS CEUX QUI SE BATTENT POUR LA LIBERTE, DEHORS COMME DEDANS !


ATTAQUONS, NOUS AUSSI, TOUT CE QUI NOUS ENFERME, EXPLOITE ET OPPRIME !


dimanche 22 mars 2009

La Cavale numéro 15 est sortie

La Cavale numéro 15 est sortie. Vous pouvez l'obtenir dans les lieux de diffusion connus (infothèques, librairies, squats,...) ou en envoyant un mail à l'adresse uitbraak@gmail.com ou en écrivant à l'adresse postale Boite Postale 187, Rue du Progrès 80, 1210 Bruxelles.

Un numéro coûte 1,5 euro. Gratuit pour prisonniers. Ceux qui voudraient que nous envoyons la Cavale à un proche, ami, compagnon en taule, il suffit de nous signaler le nom et l'adresse.

Vous pouvez également le télécharger ici: http://www.typemachine.be/local--files/andere-teksten/La_Cavale_15.pdf

Edito du numéro 15 de La Cavale

Parfois tout semble indiquer qu’on est devant un tournant, qu’une certaine dynamique semble irrévocablement prendre une autre tournure. Difficile qu’il en soit autrement, car aucune lutte ne maintient la même intensité au cours des années. Il n’en va pas différemment avec l’agitation dans et autour des prisons ici. Après trois années de révoltes et de mutineries régulières, le silence si familier semble reprendre le dessus. La diffusion ardente de la révolte est de plus en plus ombragée par les geôles d’isolement, de nouvelles prisons, un nouveau centre fermé pour les indésirables récalcitrants, des bagarres sanglantes entre bandes comme dans la prison d’Anvers et de Gand.

Et alors, nous demanderont les réalistes, qu’est-ce qu’il y a été obtenu ? Quelle bataille a été remportée ? Mais il est impossible de répondre à des questions qui reprennent les catégories du pouvoir comme étalons. Trois années de révoltes ne peuvent pas être résumées dans une addition de résultats pratiques, car il n’a jamais été question de ça. Il s’agit, par contre, de la croissance d’une certaine conscience (qui s’affute en mots et en actes), d’idées qui ont trouvé l’espace pour s’exprimer, des liens de solidarité et de complicité qui ont été forgés. Ces choses ne peuvent pas être quantifiées, elles se heurtent de front à la logique de comptabilité des in et out.

Mais, nous demanderont des compagnons, est-ce que toutes les possibilités ont été saisies ? Là aussi, nous ne saurons répondre. Si on conçoit une lutte spécifique comme une possibilité de développer des idées plus générales, comme une possibilité d’acquérir des expériences avec les méthodes et les moyens, alors cette lutte devient un vrai parcours, un chemin où le point de départ et le point d’arrivée ne sont pas les mêmes, un parcours qui ne tourne pas en rond. Voilà peut-être le plus beau : il est vrai que l’Etat va construire des nouvelles prisons, il est vrai que des compagnons de lutte sont jetés dans les geôles d’isolement, mais personne n’en est au même point qu’il y a trois ans, les rapports de force ne sont pas restés inchangés, il y a une progression qui a été faite. Il s’agit alors aujourd’hui d’apprendre de toutes ces expériences, de les passer au crible et de s’en servir dans les luttes qui viennent, sans laisser rien derrière, sans laisser personne derrière, sans laisser s’éroder les complicités tissées entre l’intérieur et l’extérieur, mais tout en allant à la recherche de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités pour intensifier la subversion de l’existant, pour attaquer le monde qui produit des prisons et est fondé sur la privation de liberté généralisée.

En outre, rien n’est fini. Si la dynamique de lutte des dernières années a été caractérisée par beaucoup de mutineries, ces moments spécifiques - ces moments où tout un parcours de rébellion enfonce comme un coup de masse les fondements de la démocratie - ce n’est pas pour autant que quand ces moments deviennent plus rares, la dynamique décroit. Non, elle change de forme, d’intensité, mais il n’y aucune raison sensée pour prétendre que la lutte se laisse délimiter par deux dates. Il s’agit alors, plus que jamais, de jeter des ponts vers d’autres fronts, de lier les différentes luttes dans l’ensemble de la guerre sociale dont nous faisons partie. Pour arriver à développer une dynamique qui ne dépende plus jamais des points de références théorisés ou des sujets (les prisonniers, les immigrés, les jeunes, les chômeurs, les sans-abris,…), mais qui trouve sa propre terre ferme pour, parmi tant d’autres rebelles, donner des coups qui portent quelque chose d’autre en eux, qui avancent une perspective anarchiste qui combatte obstinément et ardemment toute domination et toute exploitation.

Pas de tabula rasa donc, mais poursuivre, affûter toujours plus la critique en mots et en actes. Et sans s’affaisser dans l’oubli – ce grand ennemi de toute lutte – mais hardiment continuer à combattre aux cotés de ceux qui depuis des années se révoltent et se trouvent actuellement dans les modules d’isolement ici et ailleurs, continuer à se battre contre cette grande prison sociale où nous sommes tous prisonniers. Les occasions ne manqueront pas…

Extrait de La Cavale numéro 15

Une balle qui ressurgit avec pleine de force...

A propos du quartier d’isolement à Bruges
Ce texte a été écrit suite à une audience de procès autour des conditions de détention de Farid Bamouhammad. Farid a été transféré cet été vers le quartier d’isolement de Bruges, et ce n’était pas arbitraire. L’Etat belge a construit le quartier d’isolement notamment pour des prisonniers « avec des problèmes de comportement avancés ». Et ce que le spectacle nomme des problèmes de comportement, est en réalité un conflit permanent avec la prison ; un conflit qui s’exprime contre ses geôliers et son infrastructure.
Farid a déjà passé 25 ans dans différentes prisons belges, dont une grande partie en isolement. Récemment est apparu un livre de sa main où il dénonce les conditions de détention dans différentes prisons. Au printemps 2008, la torture et l’isolement qu’il subissait à Lantin a atteint des sommets. En juin, l’Etat s’est tapé sur les doigts et un juge a énoncé que la torture à Lantin devait cesser et qu’il devait être transféré vers une prison de moyenne taille en région francophone. Après un court passage à la prison de Louvain pour calmer les esprits, il a tout de même été transféré vers les geôles de Bruges.
Lundi 9 février, le procès en appel contre la décision du juge a eu lieu à Liège. Le jugement suivra le 10 mars. Farid a été emmené escorté par une série de policiers cagoulés et fort équipés de la section anti-émeute COBRA. Il a pris la parole. Il a décrit l’insanité des conditions de détention dans le quartier d’isolement et a fini par affirmer qu’il n’est plus question d’une amélioration, mais qu’il faut tout simplement en finir avec les prisons.
En mars 2009, Farid a été transféré à la prison de Namur où les gardiens font jusqu'ici toujours grève pour exiger son transfer immédiat.

« Au Moyen Age, ils jetaient des gens comme moi dans une oubliette. Aujourd’hui se passe la même chose, sauf que tu ne meurs plus de faim et de soif. Je me sens comme dans un labo où ils veulent tester jusqu’où ils peuvent aller. »
- Ashraf Sekkaki depuis le module d’isolement à Bruges, novembre 2008

« Toutes ces raisons ainsi que cet endroit qui te glace, qui t’accable et qui te casse, en font que je me suis terré avec regret et à tort et à travers. Mais j’ai remonté la pente et reste tant bien que mal stoïque face à ce système cinglant, opprimant et de non-droit. Je reste et je suis comme un roseau qui se plie parfois par désespoir mais qui se redresse aussitôt. »
- Farid Bamouhammad, depuis le module d’isolement à Bruges, janvier 2008

La prison n’est rien d’autre que le reflet de la société dans laquelle on vit. La société elle-même ressemble à une vaste prison où la majorité des gens sont enfermés dans la nécessité de trouver de l’argent, dans l’absence de perspective dans la vie, dans les rôles, comme par exemple « femme de ménage », que les valeurs dominantes leur ont octroyés. Tout comme dans la rue, il y a dans les prisons, les asiles psychiatriques, les centres fermés, des personnes qui ne se résignent pas et qui n’enterrent pas un certain goût de liberté et d’une vie meilleure parce qu’un juge l’a ordonné. Des personnes qui, quotidiennement, refusent l’humiliation d’obéir aux matons et aux chefs. Pour qui les murs et les barbelés de la prison ne sont pas encore imprimés dans leurs cerveaux et qui, au contraire, les considèrent plutôt comme des obstacles à franchir. Car la punition que la société, à travers ses juges, leur a offerte, n’est que le reflet d’un monde injuste basé uniquement sur le pouvoir de l’argent et sur l’obéissance.
Alors, depuis trois ans déjà, une petite tempête de révolte a laissé des traces dans des dizaines de prisons et de centres fermés en Belgique. En se mutinant, en boutant le feu à l’infrastructure carcérale, en attaquant les gardiens, en s’évadant, des prisonniers ont retrouvé ce que le système a voulu leur enlever définitivement : le courage, un désir de liberté et une audace qui rêve de balayer toute la merde que cette société produit. L’Etat va construire sept nouvelles prisons pour contenir cette rage et pour enfermer d’avantage les personnes qui, avec les conditions d’exploitation qui deviennent de plus en plus dures, ne respecteraient plus la loi des puissants et des riches. Et pour les prisonniers réfractaires, l’Etat a déjà ouvert deux modules d’isolement à la prison de Bruges et de Lantin, de vraies prisons à l’intérieur de la prison, des cages de torture blanche, pour en finir avec tous ceux dont le cœur les amène à se révolter plutôt qu’à se résigner.
Ces modules se composent de dix cellules qui ressemblent à des chambres frigorifiques, où les prisonniers sont enfermés 23h sur 24h. Dans une cage de quelques mètres carrés, les gardiens leur donnent un peu « d’air » une fois par jour. Dans les cellules, les prisonniers ne peuvent disposer de presque rien et une autorisation spéciale et temporaire est nécessaire pour obtenir, par exemple, un stylo. Pendant la nuit, la lumière est régulièrement allumée. Les cellules mêmes sont insonorisées. Ces endroits ressemblent à un mouroir où l’Etat essaye d’en finir silencieusement avec ceux qui gênent le bon déroulement de la machine carcérale à broyer des êtres humains.
Au cours des derniers mois, les prisonniers qui sont actuellement enfermés dans ces cages, se sont révoltés déjà plusieurs fois en brisant le peu de mobilier (les lampes par exemple) existant dans la cellule. Les gardiens ont toujours fait directement appel à des unités anti-émeute de la police fédérale, stationnées en permanence près de la prison. Ils viennent alors avec des matraques, des boucliers, des lacrymogènes, des chiens pour mater l’esprit rebelle. Ces gestes de révolte prouvent encore une fois que même dans la situation la plus oppressante, il y a des personnes qui refusent de se soumettre, de s’auto-annuler, de plier face à l’autorité infâme.
Si le but de l’Etat, en construisant ces cellules, est de mater toute critique en mots et en actes du système carcéral ; s’il cherche à en finir, par la torture blanche, avec tout individu qui choisit le chemin difficile de garder la tête haute plutôt que de se cacher dans le troupeau, croyant ainsi limiter les coups de fouets de la répression et de l’oppression, il en découle logiquement que, pour faire obstacle à ces plans mortifères, il nous faut intensifier la critique de la prison et de la société qui a besoin d’elle. La critique de la prison devient palpable quand elle est capable de préciser en quoi elle existe et qui participe à son fonctionnement. Ainsi, nous n’oublierons pas que c’est Hans Meurisse, le directeur général des prisons, qui donne les ordres de placer des prisonniers dans ces modules d’isolement. Nous n’oublierons pas que ce sont les directeurs Jurgen van Poecke, Sybille Haesebrouck et Ronny Vandecandelaere qui gèrent la prison de Bruges et la section de haute sécurité. Nous n’oublierons pas les gardiens qui font le sale boulot de faire tourner cette machine infernale et qui sont fiers de leurs uniformes. Nous n’oublierons pas les juges et toute la magistrature qui ordonnent l’incarcération de milliers de personnes. Nous n’oublierons pas ceux qui se font du fric en participant à la construction et à la gestion des prisons. Car l’oubli est l’antichambre de la soumission.

Quelques amants de la liberté
février 2009

« Ce que l’on oublie, c’est que l’endurance d’un humain n’est pas inépuisable. Ils pourraient bien un moment se retrouver dans une situation pénible. Car, une balle que l’on essaie de garder sous l’eau, ressurgit avec pleine force. »
- Ashraf Sekkaki, novembre 2008